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qu’il n’y a point d’apparence de croire qu’elle n’aye tousjours esté aussi chaste que prudente, comme le demonstrent les effets. Ce qui en donne bonne preuve, est la curiosité qu’elle a eue d’apprendre tant de sciences et langues estrangeres, et a tousjours esté si employée aux affaires de son Estat, qu’elle n’eust pu oisivement vacquer aux passions amoureuses, qui n’ont rien de commun avec les lettres, comme les anciens ont sagement demonstré quand ils ont fait Pallas, déesse de sagesse, vierge et sans mère, et les muses chastes et pucelles. Toutesfois les courtisans disent que l’honneur, et principalement des femmes, ne gist qu’en la réputation, qui rend ceux-là heureux qui la peuvent avoir bonne.

Et si je me suis laissé transporter à la loüange de cette princesse, la cognoissance particulière que j’ay eue de ses mérites me servira d’excuse légitime, dont le récit m’a semblé nécessaire, afin que les reynes qui viendront après elle, puissent avoir pour miroir l’exemple de ses vertus, si ces mémoires (contre mon intention) estoient un jour mis en lumière ; remettant en autre lieu[1] à parler du contract de mariage que j’ay fait passer par une fort solemnelle ambassade, avec François duc d’Anjou, et les visites et grandes amitiez qu’il a demonstrées à ladite reyne d’Angleterre. A quoy j’ay eu l’honneur d’estre employé des premiers, par le commandement de la Reyne, mère du Roy, incontinent après que la pratique de Henry, fils de France, son frère aisné, à présent Roy, fut délaissée :

  1. Remettant en autre lieu. Cette négociation dura depuis l’année 1572 jusqu’en 1581. Elle ne fait point partie des Mémoires de Castelnau, qui, comme on l’a vu, ne vont que jusqu’en 1570.