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DISSERTATIONS

longue lance qu’il ne devroit, il perdroit la lance garnie. Et qui jousteroit de forcours, il peut bien perdre et rien gagner. »

Quoy que les inventeurs des tournois, et de leurs loix, semblent avoir apporté toutes les précautions nécessaires pour éviter les inconvéniens qui en pouvoient arriver, souvent neantraoins il en survenoit de grands par la chaleur du combat, ou par la haine et la jalousie des tournoyans. Car il y en avoit qui, n’estans pas maîtres d’eux-mesmes, se laissoient emporter à la passion et à l’ardeur qu’ils avoient de vaincre, et qui n’observans pas entièrement les règles qui leur estoient prescrites, faisoient tous leurs efforts pour renverser leur adversaire, de quelque manière que ce fust. Il y en avoit d’autres qui prenoient ces occasions pour se venger de leurs ennemis. C’est pourquoy on jugea à propos d’obliger ceux qui se faisoient faire Chevaliers, de faire serment qu’ils ne fréquenteroient les tournois, que pour y apprendre les exercices de la guerre : se tirocinia non nisi causa militaris exercitii fréquentaturos[1]. Car souvent ces combats qui d’abord ne se faisoient que par divertissement, et pour s’exercer, se tournoient en querelles, et en de véritables guerres. Henry Knighton parlant du tournoy qui se fit à Chalon en l’an 1274, où le roy Édouard avec les Anglois combatit contre le comte de Chalon et les Bourguignons, dit que les deux partis s’y portèrent avec tant de chaleur et de jalousie, que plusieurs y demeurèrent sur la place, adeo ut non torneamentum, sed parvum bellum de Chalon comnmniter diceretur[2]. Et Mathieu Paris racontant un autre tour-

  1. W. Hedain, Hist. Episc. Traject.
  2. Henr. Knighton. l. 2, de Event. Angl. 2459.