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SUR VILLE-HARDOUIN

sur de cruels souvenirs, ils pensèrent à tirer parti des ressources qui leur restoient. D’une voix unanime, la régence fut confiée au prince Henri, moins impétueux que Baudouin, quoique possédant le même courage, sage, conciliant, plein de douceur, et très-propre à commander dans des circonstances difficiles.

Il s’empressa de ramener l’armée à Constantinople, dont les environs étoient dévastés par les Bulgares, et où Conon de Béthune, aidé par le légat du Pape, n’avoit maintenu la tranquillité que par une espèce de miracle. La vue de ses troupes, fort nombreuses, rassura les Français et leurs partisans, intimida ceux qui étoient attachés à Lascaris, et il fut reçu comme le sauveur de l’Empire. De toutes les conquêtes que les Français avoient faites avec tant de rapidité, il ne leur restoit plus en Europe que Constantinople, Redoste, Selyvrée, et, du côté de l’Asie, que le seul château de Piga.

Le royaume de Thessalonique étoit menacé d’une inondation de Bulgares, et Montferrat avoit abandonné les sièges de Napoli et de Corinthe pour venir au secours de sa capitale. Pendant son absence, l’usurpateur Alexis, traité avec humanité par la reine Marguerite de Hongrie, dont il avoit autrefois détrôné l’époux, trouva les moyens de s’échapper de sa prison, et se réfugia chez le despote d’Épire, espérant passer ensuite dans les États de Théodore Lascaris, celui de ses deux gendres qui étoit alors le plus puissant. Son évasion ne donna aucune inquiétude aux Français ; ils savoient que son ambition incorrigible le brouilleroit bientôt avec Lascaris, dont il ne manqueroit pas de contester les droits à l’empire.