Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
SUR VILLE-HARDOUIN

que le roi devînt son vasal : démarche qui avoit été repoussée comme l’insulte la plus grave.

Jean étoit dans cette disposition lorsqu’il reçut les émissaires des Grecs. Ils lui offrirent l’empire s’il vouloit les aider à secouer le joug des Français. Cette offre n’étoit pas sincère, puisqu’ils reconnoissoient déjà Théodore Lascaris pour leur chef : l’adroit Bulgare ne fut pas leur dupe ; mais il espéra que, dans le désordre général qui alloit éclater, s’il n’obtenoit pas le trône de Constantinople, il pourroit au moins, ainsi que ses sujets, piller et dévaster le pays au secours duquel il étoit appelé. Les arrangemens se firent donc comme si l’on eût été parfaitement d’accord. Il fut convenu que le soulèvement auroit lieu au commencement du printemps de 1205, époque à laquelle on savoit que Baudouin devoit diviser ses forces.

À la cour de Constantinople, on ignoroit absolument ce qui se tramoit. L’Empereur, le doge, Ville-Hardouin et les principaux seigneurs, s’occupoient d’une expédition en Asie contre Théodore Lascaris, qu’ils regardoient comme le seul ennemi qu’ils eussent à craindre. Lui soumis, les petits tyrans qui s’étoient établis dans les diverses parties de l’Empire ne pouvoient plus opposer aucune résistance. Le prince Henri, frère de l’Empereur, passa donc le détroit avec l’élite de l’armée : c’étoit le moment qu’attendoient les conjurés. Aussitôt qu’ils surent que le prince étoit engagé avec Lascaris, qui se replioit habilement pour l’éloigner de la capitale, les derniers ordres furent donnés, et le jour du soulèvement général fut fixé.