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SUR VILLE-HARDOUIN

Il saisit cependant une occasion très-favorable pour commencer ce grand ouvrage. Agnès, sœur de Philippe-Auguste et veuve du tyran Andronic, avoit, comme nous l’avons vu, éprouvé toutes les espèces de malheurs. Cette princesse, encore jeune et belle, s’étoit attachée depuis long-temps à Théodore Branas, l’un des principaux seigneurs grecs, dévoué sincèrement aux Français, et qui leur avoit donné des preuves de zèle dans les derniers événemens. Agnès ne trouvoit de consolation que dans la société de Branas ; lui seul pouvoit lui rendre le bonheur dont elle avoit cessé de jouir depuis qu’elle avoit quitté la France ; mais les devoirs de son rang et d’autres obstacles l’avoient empêchée jusqu’alors de s’unir à celui qu’elle préféroit. Baudouin, instruit de son amour, la pressa de conclure ce mariage auquel il voulut assister. Il répandit ensuite ses bienfaits sur l’époux d’Agnès, lui donna le fief d’Apres, et lui témoigna la plus grande confiance. La conduite de Branas justifia bientôt cette excellente politique.

Tandis que Baudouin combloit ainsi les vœux de deux personnes que l’amour le plus tendre unissoit, il ignoroit qu’il venoit de perdre son épouse dans une terre étrangère. Sa plus douce satisfaction, en parvenant au trône, avoit été de le lui faire partager ; mais il ne devoit plus la revoir. Marie de Champagne, comtesse de Flandre, s’étoit croisée avec lui, et une grossesse l’avoit forcée de demeurer en Flandre. Aussitôt après ses couches, n’ayant reçu de lui aucune nouvelle, elle s’étoit empressée d’aller à Marseille, et de s’embarquer pour Saint-Jean d’Acre où elle croyoit le trouver. Quel fut son étonnement, lorsqu’à