Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
SUR VILLE-HARDOUIN

craindre toutes les chances de l’élévation d’un Vénitien sur le trône de Constantinople. Si ce trône s’affermissoit, tout portoit à croire que Venise deviendrait tôt ou tard sujette de l’empire d’Orient, que ses lois seroient détruites, sa splendeur effacée, sa liberté perdue, son commerce anéanti, et que ce prodige d’industrie et de civilisation, qui jetoit tant d’éclat sur le moyen âge, perdroit, pour un avantage éphémère, les principaux ressorts qui le faisoient exister. Si au contraire ce trône ne s’affermissoit pas, toutes les ressources de Venise seroient employées pour le soutenir ; un peuple qui ne devoit sa gloire et ses richesses qu’aux arts de la paix, se trouveroit engagé dans des guerres continuelles, et sacrifieroit, en cherchant peut-être en vain à maintenir une puissance éloignée et peu solide, la puissance réelle que lui donnoient ses lois, ses mœurs et sa position inexpugnable. Telles furent les raisons que donna le noble vieillard pour refuser l’Empire.

Les Vénitiens, en applaudissant à la magnanimité de leur chef, firent connoître leur opinion sur les deux candidats qui restoient. La principauté que possédoit en Italie le marquis de Montferrat, leur parut trop voisine de Venise pour qu’ils désirassent que cette famille devînt plus puissante, et s’élevât à l’Empire. Leurs vœux parurent se tourner du côté du comte de Flandre, qui, par l’éloignement de ses États, ne leur donnoit aucune inquiétude, et qui, s’il parvenoit au trône, pourroit être puissamment soutenu par le roi de France Philippe-Auguste, son proche parent.

Ce fut dans ces dispositions que les Français et les