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NOTICE

ayant été admis devant les généraux, ils se prosternèrent à leurs pieds, les supplièrent de se rappeler l’instabilité des choses humaines, et de se rendre dignes de la victoire qu’ils venoient d’obtenir, en s’abstenant du meurtre et du pillage. Ils leur représentèrent que les Grecs, quoique ayant à se reprocher les plus grands torts, étoient des hommes, et qu’à ce titre ils avoient droit à la clémence ; qu’une ville encore riche et brillante étoit préférable à un monceau de ruines ; que cette ville n’étoit plus la capitale des Grecs, mais celle des Latins, et que ces derniers avoient intérêt à la conserver, que les usurpateurs Alexis et Murtzuphle, seuls coupables, avoient été punis de leurs crimes par la fuite et par l’exil, et qu’enfin les vainqueurs devoient avoir pitié d’un peuple innocent et malheureux qui avoit été la première victime de ses tyrans. Ensuite, attestant le saint nom de Jésus-Christ, dont ils rappelèrent la passion, la mort et la résurrection, et dont ils annoncèrent que la protection spéciale alloit rendre les vainqueurs maîtres d’un grand Empire, s’ils s’en montroient dignes par leur modération et leur douceur, ils les conjurèrent de pardonner et d’avoir les sentimens qui conviennent à des maîtres dont les sujets sont disposés à la soumission la plus entière. « Ces augustes temples que vous voyez, ajoutèrent-ils, les reliques dont ils sont remplis, semblent prendre la parole pour invoquer votre miséricorde et votre clémence. »

Les chefs des Croisés, touchés de ce discours, firent annoncer par un héraut que la vie des habitans seroit épargnée. Ensuite ils conduisirent l’armée dans l’intérieur de la ville, et s’emparèrent de tous les postes