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SUR VILLE-HARDOUIN

les Croisés, cantonnés dans leur quartier, et les Grecs, occupés ou à fuir, ou à cacher leurs trésors, ou à se donner un nouvel Empereur, pussent porter aucun secours. Une foule immense inondoit Sainte-Sophie, ou deux concurrens se disputoient l’Empire, Théodore Ducas et Théodore Lascaris. Le moment étoit pressant : Ducas n’avoit pour titres que des intrigues, Lascaris ne faisoit valoir qu’un courage qui n’étoit pas douteux. Lascaris l’emporta ; et ce choix, fait au milieu du tumulte, de l’incendie, lorsque l’ennemi étoit maître d’une partie de la ville, sauva les débris de l’Empire grec. Le nouvel Empereur n’eut d’autre parti à prendre que d’abandonner sa capitale en donnant rendez-vous en Asie à ceux qui voulurent partager son sort ; et ce fut le premier acte d’un règne qui devoit par la suite avoir beaucoup d’éclat.

Quand le jour parut, la consternation des habitans de Constantinople fut à son comble. Ils apprirent la fuite de Murtzuphle, l’élection et la retraite de Théodore : abandonnés à eux-mêmes, sans aucune force, ils n’eurent d’autre ressource que de se soumettre promptement au vainqueur. Les princesses Marguerite de Hongrie, et Agnès de France, qui faisoient les vœux les plus ardens pour le succès des Croisés, s’étoient réfugiées au palais de Bucoléon, ou la crainte leur avoit déjà formé une Cour ; par leur conseil, on résolut d’envoyer une députation aux chefs de l’armée : elle fut composée des principaux membres du clergé, parmi lesquels ne se trouvoit pas le patriarche Camatère, qui avoit pris la fuite avec Murtzuphle.

Les députés, revêtus de leurs habits sacerdotaux, s’avancèrent lentement vers le quartier des Croisés :