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NOTICE

qui croiroient manquer à leur serment en attaquant encore l’Empire grec, il falloit donner à cette guerre un motif religieux.

Les conférences étant rompues, on fit des deux côtés les préparatifs les plus menaçans. Pendant l’intervalle qui précéda les hostilités, les Croisés tinrent un conseil qui décida du sort de l’Empire. Le premier point sur lequel on s’accorda fut qu’on useroit du droit de conquête dans toute son étendue, et qu’ainsi l’un des chefs de la croisade deviendroit Empereur. Il fut convenu que six électeurs français et six électeurs vénitiens procéderoient au choix du souverain, et que la dotation de ce prince se composeroit des palais de Blaquernes et de Bucoléon, et d’un quart du territoire de l’Empire. Pour conserver autant que possible l’égalité entre les deux nations, on arrêta que le clergé de celle qui ne donneroit pas un Empereur choisiroit dans son sein un patriarche. Il fut encore convenu qu’aussitôt que l’Empereur seroit nommé, une commission composée de Français et de Vénitiens distribueroit, à la pluralité des voix, les fiefs, les charges et les dignités. Le butin, en exceptant la part destinée à l’Empereur, dut être partagé également entre les deux nations.

Ces dispositions trouvèrent d’abord peu de contradicteurs dans l’armée, parce qu’on espéroit emporter la ville au premier assaut. La hardiesse singulière de l’entreprise, l’attrait des dignités et des richesses frappoient tous les esprits, éveilloient toutes les passions ; mais les Croisés furent sur le point d’éprouver qu’ils s’étoient trop pressés de fixer le sort d’un Empire qui ne leur appartenoit pas encore. Ils don-