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NOTICE

presque tous les seigneurs français, crurent qu’on pouvoit se fier à la parole de Murtzuphle, et s’offrirent, tant pour aller traiter avec lui que pour assurer le sort d’Alexis dont ils excusoient les torts ; mais le doge, qui connoissoit parfaitement les Grecs, s’opposa fortement à cette démarche, qui eût infailliblement causé la perte de ceux qui en auroient été chargés. Les députés furent renvoyés sans réponse.

Alors Murtzuphle, n’ayant plus de mesure à garder, cessa de cacher la mort d’Alexis. Il publia que cette mort avoit été naturelle, et fit faire des funérailles magnifiques à celui qu’il avoit assassiné. Les soins qu’il prit ne purent cependant empêcher que tous les détails de son crime ne parvinssent au camp des Croisés ; l’indignation fut à son comble. Le comte de Flandre, plein de loyauté et d’honneur, vouloit punir un si horrible attentat. Le marquis de Montferrat, à qui la mort d’Isaac donnoit l’espoir d’épouser l’Impératrice, brûloit de la délivrer des dangers qui la menaçoient. Le doge de Venise, ne séparant point les intérêts de la politique de ceux de la religion, commençoit à penser sérieusement à la conquête de l’Empire grec. Le clergé formoit hautement le même vœu, espérant que le schisme seroit éteint pour jamais. Ce fut dans ces dispositions qu’un grand conseil fut tenu au commencement du carême de 1204. Le nonce du Pape déclara que l’usurpateur ne pouvoit conserver l’Empire, que la guerre contre lui étoit juste et sainte, et il promit des indulgences à ceux qui montreraient le plus d’ardeur. Aussitôt les préparatifs commencèrent, et portèrent la terreur dans l’ame de Murtzuphle.