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SUR VILLE-HARDOUIN

trésorier, qui avoit déjà trahi l’usurpateur Alexis pour rétablir Isaac, venoit de trahir son jeune maître et de gagner les varangues. Tout étant disposé pour l’exécution de ses desseins, Murtzuphle se rend à minuit au palais, et pénètre dans l’appartement d’Alexis : l’excès de l’inquiétude et de la fatigue l’avoit plongé dans un sommeil profond. Il l’éveille brusquement : Tout est perdu, lui dit-il, seul je peux vous sauver. Le prince éperdu se livre à lui. Sous prétexte de le cacher, il le conduit dans l’un des souterrains du palais, et l’y enchaîne. Il emploie le reste de la nuit à se faire reconnoître par les gardes, et à s’emparer des postes importans. Le lendemain, dès le matin, il assemble dans Sainte-Sophie le peuple, qui abandonne déjà celui à qui la veille il a donné la pourpre. Il se vante hautement d’avoir affranchi sa patrie de la tyrannie des Français et des Vénitiens. La multitude, poussée par ses émissaires, applaudit avec transport, et le proclame empereur. Les mêmes hommes qui ont couronné Nicolas le livrent au nouveau souverain ; et ce misérable ambitieux va partager la prison d’Alexis.

Murtzuphle flatta d’abord les préjugés et les passions de la multitude. Par son ordre, le clergé cessa de reconnoître l’autorité du Saint-Siège, et cette nouvelle séparation fut d’autant plus applaudie que la réunion n’avoit été due qu’à la contrainte. Le patriarche Camatère abjura dans Sainte-Sophie les principes qu’il avoit reconnus deux mois auparavant, et cette espèce d’apostasie, loin de l’avilir, le rendit pour quelques momens l’idole du peuple. Euphrosyne, femme de l’usurpateur Alexis, et ses deux