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SUR VILLE-HARDOUIN

tôt cet étendard flotta sur les murs, et doubla le courage des assaillans. On se battit avec une ardeur qui tenoit de la rage, et en peu d’heures vingt-cinq tours furent enlevées. Dès lors le sort de l’usurpateur fut décidé : il essaya de faire une sortie et d’attaquer le camp avec des forces considérables ; mais le doge, instruit du danger qui menaçoit les Français, avoit évacué le quartier de la ville dont il s’étoit emparé, l’avoit incendié, et étoit venu à leur secours. L’attitude des Croisés réunis intimida les Grecs, et ils firent une retraite honteuse.

L’usurpateur, rentré dans Constantinople, ne pensa plus qu’à sa sûreté personnelle ; vainement Euphrosyne lui donna-t-elle les conseils les plus énergiques. Il avoit fait d’avance filer ses équipages sur Zagora, ville de Bulgarie ; et le 18 juin, à l’entrée de la nuit il partit secrètement pour cette ville, n’emmenant avec lui qu’une de ses filles, Irène, femme d’un Paléologue. Euphrosyne et ses deux autres filles, Anne et Eudocie, restèrent dans la capitale. Cette femme altière fit les derniers efforts pour conserver le pouvoir que son époux venoit d’abdiquer. Elle assemble dans le palais de Blaquernes ses parens et ses amis, leur offre une de ses filles, et les presse de s’emparer du trône qui est encore vacant. Aucun n’ose accepter un poste aussi périlleux. Mais tandis que ces scènes se passent dans l’intérieur du palais, les principaux seigneurs songent à traiter avec l’Empereur légitime. L’eunuque Constantin, grand trésorier, favori de l’usurpateur, comblé de ses bienfaits, distribue de l’argent aux varangues (c’étoit ainsi qu’on appeloit les gardes de l’Empereur), et les détermine à rétablir