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[1205] de la conqueste

donc du port, et faisans voile cinglérent en pleine mer, tant que le vent et la fortune les fit aborder au port de Rodosto le lendemain que les nostres y furent arrivez. Le mareschal de Ville-Hardoüin, et ceux qui estoient avec luy, leur firent les mesmes instances et prieres qu’on leur avoit fait à Constantinople, accompagnées de larmes et de pleurs, qu’ils eussent pitié et compassion du pays, et qu’ils voulussent demeurer encore pour quelque temps, et que jamais ils ne pourroient secourir aucune terre plus à propos, ny en plus grand besoin. Ils respondirent qu’ils en aviseroient, et leur en feroient sçavoir leur resolution le lendemain.

200. Mais il arriva que la mesme nuit un chevalier de la terre du comte de Blois, vaillant et de grande réputation, se déroba secretement, et laissant tout son bagage s’alla mettre dans le navire de Jean de Virsin, qui estoit pareillement des terres du comte de Blois. D’autre part ceux des cinq vaisseaux qui devoient rendre response le lendemain au mareschal et au duc de Venise, si tost qu’ils virent le jour desancrérent et mirent les voiles au vent sans parler à personne, dont ils furent fort blâmez, tant au pays où ils allérent qu’en celuy dont ils partirent, et particuliérement Pierre de Froiville. C’est pourquoy l’on dit ordinairement en commun proverbe que celuy-là fait tres-mal, qui par la crainte de la mort fait chose qui puisse luy estre reprochée à tousjours.

201. Cependant le prince Henry, ayant quitté Attramittium, venoit à grandes journées vers Andrinople au secours de l’empereur Baudoüin son frere, accompagné des Armeniens qui s’estoient declarez pour les