Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
[1205] de la conqueste

194. Cependant que le duc de Venise marcheroit devant, et le mareschal feroit l’arriére-garde avec ceux qui estoient avec luy. Cela ainsi arresté, ils attendirent jusques à la nuict ; laquelle estant venuë, le duc partit le premier du camp, suivy du mareschal qui faisoit l’arriére-garde, et s’en allérent le petit pas, emmenans tous leurs gens, tant de pied que de cheval, blessez et autres, sans en laisser un seul, et tirérent droit à Rodosto[1], qui est une ville assise sur le bord de la mer, à trois lieuës de là. Au reste cette deffaite arriva l’an de l’incarnation de nostre Seigneur Jesus-Christ mil deux cens et cinq. La nuit que les nostres firent la retraitte, et partirent d’Andrinople, il y en eût aucuns qui prirent un plus droit et plus court chemin, et se hastérent plus que les autres, dont ils furent fort blasmez : du nombre desquels furent un comte de Lombardie, nommé le comte Gras, des terres du marquis, et Hugues de Ham, seigneur d’un Chasteau de mesme nom en Vermandois, avec vingt-cinq autres chevaliers dont l’histoire se taist par honneur ; car la deffaite ayant esté le jeudy au soir, ils arrivérent à Constantinople le samedy sur le soir, quoy qu’il y eût cinq grandes journées, et y contérent les mauvaises nouvelles ; dont le cardinal Pierre de Capouë legat du pape Innocent, Conon de Bethune qui estoit demeuré pour garder Constantinople, Miles de Brabant, et autres barons furent fort effrayez, se persuadans que le reste des nostres que ceux-cy avoient laissez devant Andrinople fussent perdus, n’en ayans encore rien pû apprendre.

  1. Rodosto, ville maritime de la Thrace.