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[1204] de la conqueste

Grecs, et resolurent d’attendre là l’empereur Baudoüin.

182. En ce mesme temps arriva une chose estrange : Renier de Trit estant à Philippople, à neuf journées de Constantinople, avec environ six vingt chevaliers, Benier son fils, Gilles son frere, Jacques de Bondine son neveu, et Charles de Vercli qui avoit espousé sa fille, l’abandonnérent, et emmenérent quant et eux trente de ses chevaliers, à dessein de retourner à Constantinople, et le laissérent en grand peril au milieu de ses ennemis et sans esperance de secours : mais ils trouvérent tout le pays revolté contre eux, et furent deffaits et pris par les Grecs, et en suitte livrez au roy de Bulgarie, qui leur fit à tous trancher la teste. Et veritablement ils ne furent ny plaints ny regrettez des François, pour s’estre portez avec tant d’infidelité et de déloyauté vers celuy qu’ils ne devoient pas ainsi abandonner. Les autres chevaliers de Renier de Trit, qui ne luy appartenoient pas de si prés comme ceux qui n’avoient point apprehendé le blâme de cette lâcheté, ayans aussi moins de honte de les imiter, s’en allérent bien quatre-vingt chevaliers ensemble par un autre chemin ; en sorte que Renier de Trit demeura au milieu des Grecs avec fort peu de gens, n’ayant en tout que vingt-cinq chevaliers, tant à Philippople qu’à Stenimac, qui estoit un fort chasteau qu’il tenoit, et où il fut depuis long-temps enfermé.

183. Cependant l’empereur Baudouin estoit à Constantinople mal accompagné, et avec peu de monde, fort affligé de tant de mauvais succés, ne sçachant à quoy se resoudre dans ces conjonctures, et attendant tousjours son frere, Henry et les troupes qui estoient