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[1204] de la conqueste

tantinople ; mais les principaux contendans furent Baudoüin comte de Flandres et de Hainault, et Boniface marquis de Montferrat, châcun jugeant bien que l’un de ces deux ne manqueroit de l’emporter : ce que voyans les gens de bien qui tenoient le party de l’un et de l’autre, parlérent ensemble et dirent : « Seigneurs, si l’on vient à eslire l’un de ces grands et puissans princes, il est à craindre que l’autre n’en conçoive une telle envie qu’il n’emmene quant et soy une grande partie de l’armée ; et ainsi toutes nos conquestes se pourront perdre, de la mesme façon qu’il pensa arriver à la Terre Sainte, lors qu’aprés qu’elle fut conquise on eslut Godefroy de Bouillon pour roy, le comte de Saint Gilles en ayant eu une telle jalousie, qu’il sollicita les seigneurs et barons et autres de s’en retourner : en sorte que plusieurs se retirérent, et en demeura si peu, que si Dieu ne les eût assistez particulierement on eût esté en danger de perdre toute la terre d’outremer. C’est pourquoy prenons garde à ce que le semblable ne nous arrive, et faisons si bien que nous les retenions tous deux, et que Dieu ayant octroyé à l’un d’estre empereur, l’autre en soit satisfait et content. Et pour y parvenir, il faut que celuy qui aura l’Empire donne à l’autre toutes les terres de delà le Canal vers la Turquie, avec l’isle de Candie, dont il luy fasse foy et hommage, et en soit son homme lige, et par ce moyen nous les pourrons retenir l’un et l’autre. » Ce qui fut accordé, et mesmes arresté par tous les deux. Cependant vint le jour pris pour l’assemblée, auquel furent esleus les douze, six d’une part et six d’autre,