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[1204] de la conqueste

qui estoient en ce palais, lequel au mesme temps qu’il fut rendu au marquis de Montferrat, celuy de Blaquerne vint aussi en la puissance de Henry frere du comte de Flandres sous les mesmes conditions, et y fut trouvé un tresor non moindre qu’en celuy de Bucoléon.

132. Châcun d’eux garnit de ses gens le château qui luy fut rendu, et fit soigneusement garder les richesses qui y estoient : mais les autres qui s’estoient épandus par la ville y firent un notable butin, qui fut tel qu’on ne peut exprimer combien ils gagnérent d’or et d’argent, de vaisselles, pierres precieuses, de velours et autres draps de soye, et fourrures exquises, de martes, de vairs, de gris[1], et d’hermines, et autres semblables precieux meubles : en sorte qu’on peut dire veritablement que, depuis la creation du monde, jamais ne fut fait si grand butin en ville conquise.

133. Toute l’armée se logea comme il luy plût, y ayant suffisamment dequoy, tant les pelerins que les Venitiens, parmy lesquels la rejoüyssance fut grande pour cette signalée victoire que Dieu leur avoit donnée : au moyen de laquelle ceux qui auparavant estoient reduits à une extréme pauvreté et misere, se trouvérent en un instant dans une abondance de tous biens et de delices. Et ainsi passérent le jour des Rameaux et la feste de Pasques ensuivant dans des sentimens d’une joye extraordinaire, ayans tous les sujets imaginables de rendre graces à Dieu de ce que, n’ayans en tout en leur armée que vingt mil hommes de guerre,

  1. De vairs, de gris : vair, fourrure de gris blanc, mêlé à d’autres couleurs, du latin varius. Gris ou petit-gris, autre fourrure très-recherchée.