Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
[1204] de la conqueste

de le faire comme il avoit avancé, il se détourna par d’autres ruës, le plus loing qu’il pût de nos gens, tant qu’il gagna la porte Dorée, par où il s’enfuit, et abandonna la ville. Et aprés luy s’évadérent tous ceux qui le peurent, sans que ceux de l’armée s’en apperçeussent.

130. Cette nuit à l’endroit où le marquis de Montferrat avoit pris ses logemens, quelques gens qui craignoient que les Grecs ne les vinssent attaquer, mirent le feu au quartier qui les separoit : lequel à l’instant s’alluma et prit de sorte, qu’il dura toute la nuit et le lendemain jusques au soir. Ce fut le troisiéme embrasement avenu à Constantinople depuis que les François vinrent en ce pays là, et qui consomma plus de maisons qu’il n’y en a en trois des plus grandes villes de France. Le lendemain au matin, qui fut le mardy, si tost qu’il commença à faire jour, tous les chevaliers et gens de pied de l’armée prirent les armes, et, sortans de leurs logemens, se rangérent châcun en sa bataille, estimans qu’ils auroient encores plus à combattre qu’ils n’avoient fait, ne sachans pas que l’Empereur eût pris la fuitte ; mais ils ne trouvérent personne qui leur fit resistance.

131. Le marquis Boniface de Montferrat fit marcher ses trouppes toute la matinée droit vers le palais de Bucoleon, qui luy fut rendu par ceux de dedans, leurs vies sauves : les plus grandes princesses du monde qui s’y estoient retirées y furent trouvées, sçavoir la sœur du roy de France, laquelle avoit esté imperatrice, et la sœur du roy de Hongrie, qui l’avoit esté pareillement, avec plusieurs autres dames de haute condition. Je ne parle point des inestimables richesses