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[1204] de la conqueste

avoient esté trop grevez, ceux de châque tour estans en plus grand nombre que ceux des nostres qui montoient aux eschelles ; lesquelles estans redoublées feroient beaucoup plus d’effet à une tour qu’une seule. Ce qu’estant ainsi conclu, ils attendirent le lundy qui avoit esté pris pour donner cét assaut.

127. Cependant l’empereur Murtzuphle s’estoit venu loger en une grande place prés de là avec toutes ses forces, et y avoit fait dresser ses tentes et pavillons d’écarlate. D’autre part, le lundy arrivé, les nostres qui estoient dans les navires, les palandries et les galéres, prirent tous les armes, et se mirent en estat de faire une nouvelle attaque ; ce que voyans ceux de la ville, ils commencérent à les craindre plus que devant : mais d’ailleurs les nostres furent étonnez de voir les murailles et les tours remplies d’un si grand nombre de soldats qu’il n’y paroissoit que des hommes. Alors l’assaut commença rude et furieux, châque vaisseau faisant son effort à l’endroit où il estoit : et les cris s’élevérent si grands qu’il sembloit que la terre dûst abismer. Cét assaut dura long-temps, et jusques à ce que nostre Seigneur leur fit lever une forte bise qui poussa les navires plus prés de terre qu’elles n’estoient auparavant ; en sorte que deux d’entre elles qui estoient liées ensemble, l’une appellée la Pelerine et l’autre le Paradis, furent portées si prés d’une tour, l’une d’un costé, l’autre de l’autre, que, comme Dieu et le vent les conduisit là, l’eschelle de la Pelerine s’alla joindre contre la tour. Et à l’instant un Venitien, et un chevalier françois appellé André d’Urboise, y entrérent, suivis incontinent aprés de nombre d’autres qui tournérent en fuitte ceux qui la gardoient, et les obligérent à l’abandonner.