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[1204] de la conqueste

avec le butin, et les escadrons les uns aprés les autres, tant que l’arriére-garde arriva, que Henry frere du comte de Flandres conduisoit avec ses gens : lors Murtzuphle leur courut sus, et les chargea à l’entrée d’un bois ; mais les nostres tournans bravement visage vinrent à la rencontre, et combatirent vaillamment, tant que l’empereur Murtzuphle fut deffait, et son chariot d’armes et l’estendard imperial pris, avec une banniére ou image qu’il faisoit porter devant luy en laquelle il avoit grande confiance, comme aussi tous les autres Grecs, et où l’image de Notre-Dame estoit représentée. Il perdit au reste jusques à vingt des meilleurs chevaliers qu’il eust. Ainsi l’empereur Murtzuphle fut déconfy, la guerre s’aigrissant de jour à autre entre luy et les François : cependant la plus grande partie de l’hyver se passa, et arriva le temps de la Chandeleur et du caresme.

120. [An 1204.] Tandis que les nostres estoient devant Constantinople, ceux de la flotte de Flandres qui avoient sejourné tout l’hyver au port de Marseille, firent de là voile vers l’esté, et passérent tous en la Terre-Sainte, en plus grand nombre que n’estoient ceux qui estoient devant Constantinople. Ce fut un grand malheur de ce qu’ils ne se joignirent avec cette armée, estant certain que les affaires de la chrestienté en eussent de beaucoup mieux reüssi ; mais Dieu ne le voulut point permettre pour leurs pechez : et de fait, les uns moururent de maladie pour l’intemperance de l’air ; les autres rebroussérent chemin en leur pays au mieux qu’ils pûrent, sans avoir fait aucun exploit ny bien és lieux où ils allérent. Une compaignie des meilleurs hommes d’entre eux vint à Antioche, et prit