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[1203] DE LA CONQUESTE

ambassade, sur quoy vous prendrez telle resolution qu’il vous plaira. » Les Grecs furent merveilleusement surpris de ce deffy, et le tinrent à grand outrage, disans que jamais aucun n’avoit esté si hardy de deffier l’empereur de Constantinople en sa chambre et en personne. Aussi l’empereur Alexis témoigna aux ambassadeurs estre tres-mal satisfait, et leur fit mauvais visage, aussi bien que tous les autres qui auparavant leur avoient esté amis.

113. Là dessus le bruit se leva fort grand au palais ; les deputez cependant sortirent et remontérent promptement sur leurs chevaux. Lors qu’ils furent hors la porte il n’y eut aucun d’eux qui ne se tint tres-heureux, et non sans raison, de se voir échappé d’un si grand peril, peu s’en estant fallu qu’ils ne fussent tous pris ou tuez. Et ainsi retournérent au camp, et racontérent aux barons comme le tout s’estoit passé. Dès ce jour là la guerre commença entre les Grecs et les François, châcun faisant le pis qu’il pouvoit, tant sur mer que sur terre. Il y eut en plusieurs lieux diverses rencontres et divers combats entre eux, mais Dieu mercy les Grecs y eurent toûjours du pire. Cette guerre dura long-temps, et jusques au cœur de l’hyver, que les Grecs s’avisérent de ce stratageme : ils prirent dix-sept grands navires, et les emplirent de fassines et autre bois sec, gros et menu, avec force poix et étouppes en des tonneaux, et attendirent qu’un vent se leva à propos qui donna sur l’armée navale des pelerins ; puis en plein minuit attachérent le feu aux vaisseaux, et les laissérent aller au vent, les voiles tenduës et tous brûlans, en sorte qu’il sembloit que toute la terre fût en flammes ; et ainsi furent chassez