Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
[1203] de la conqueste

fut reduit à neant. Le marquis de Montferrat, qui luy avoit rendu de grands services, et qui estoit bien venu de luy, l’alla voir souvent pour lui reprocher le tort qu’il avoit de se comporter ainsi vers eux, aprés en avoir tiré un ayde et un secours si considerable en ses plus urgentes necessitez, et tel que jamais ne fut fait à aucun prince, et qu’au lieu de reconnoissance il les amusoit, par des fuittes, et ne tenoit chose aucune de ce à quoy il s’estoit obligé par les traitez qu’ils avoient ensemble. Mais à la fin ils s’apperçeurent et connurent clairement sa mauvaise volonté, et qu’il ne cherchoit que les occasions de leur faire un mauvais tour : ce qui obligea les barons et le duc de Venise de s’assembler pour aviser à ce qui estoit à faire en cette occurrence. Et furent d’avis, attendu que il leur estoit trop notoire que ce prince n’avoit aucune intention d’accomplir les conventions, et que jamais il ne leur disoit verité, usant toûjours de dissimulation, d’envoyer vers luy, une fois pour toutes, pour le sommer d’effectuer ses promesses, et luy reprocher le service qu’ils lui avoient rendu : que s’il avoit dessein de les accomplir, ils acceptassent sa parole ; sinon, qu’ils le deffiassent de par eux, et luy declarassent la guerre.

111. Pour cette ambassade furent choisis Conon de Bethune, Geoffroy de Ville-Hardoüin mareschal de Champagne, et Miles de Brabans de Provins ; et de la part du duc de Venise, trois principaux de son conseil : lesquels montez sur leurs chevaux, l’espée çeinte, allérent de compagnie jusqu’au palais de Blaquerne, non toutefois sans danger de leurs personnes, à cause de la trahison qui est ordinaire aux Grecs. Estans descendus à la porte ils entrérent au palais, où ils