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[1203] de la conqueste

terme là avoir donné si bon ordre à mes affaires que je n’aurois aucun sujet de craindre. Et cependant j’accomplirois ce à quoy je vous suis tenu, au moyen du revenu de toutes mes terres. J’aurois aussi le temps de n’équipper de vaisseaux pour m’en aller avec vous, ou y envoyer suivant le traité, et lors vous auriez tout l’esté pour camper à vostre loisir. »

102. Les barons luy firent réponse qu’ils en aviseroient ensemble, quoy qu’ils connussent bien qu’il disoit la verité, et que c’estoit effectivement le meilleur, tant pour l’Empereur que pour eux ; mais qu’ils ne le pouvoient faire sans en communiquer à toute l’armée, et que lors qu’ils l’auroient fait ils luy feroient entendre ce qui auroit esté resolu. Sur cela l’empereur Alexis se departit des barons, et retourna à Constantinople. Le conseil fut assigné au lendemain, où tous les barons et les capitaines de l’armée, et la plus grande partie des chevaliers furent appellez, ausquels on proposa l’ouverture qui leur avoit esté faite par l’Empereur.

103. Sur quoy il y eut diversité d’avis qui passérent jusques aux discordes, comme il y avoit eu plusieurs fois de la part de ceux qui vouloient que l’armée se deffit, parce qu’il leur sembloit que ce voyage alloit trop en longueur. Ceux du party qui avoient monopolé à Corfou sommoient les autres de leurs sermens, et de leur fournir des vaisseaux, ainsi qu’il leur avoit esté promis, pour passer en la Terre Sainte. Les autres au contraire les prioient à mains jointes de vouloir demeurer, et leur disoient : « Seigneurs, au nom de Dieu, ne ternissons et ne perdons pas l’honneur que Dieu nous a fait : considerez que si nous allons en