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[1203] de la conqueste

la moindre estoit plus grosse et renforcée d’hommes que pas une des leurs ; mais elles estoient ordonnées et rangées de sorte qu’on ne les pouvoit aborder ny charger que par devant. Enfin l’empereur Alexis avança avec son armée, et se trouva si prés d’eux que l’on tiroit des uns aux autres. La nouvelle en estant venuë au duc de Venise, il fit à l’instant retirer ses gens, et abandonner les tours qu’ils avoient conquises, disant qu’il vouloit vivre et mourir avec les pelerins. Et ainsi s’en vint droit au camp, et descendit luy-mesme des premiers en terre avec ce qu’il peût tirer hors de ses gens. Cependant les batailles des pelerins et des Grecs furent assez long-temps vis-à-vis les unes des autres, ceux-cy n’ozans venir à la charge, et les autres ne voulans s’éloigner de leurs barriéres et palissades : ce que voyant l’empereur Alexis, il commença à faire sonner la retraite, et aprés avoir rallié les siens, il rebroussa chemin en arriére. D’autre part, l’armée des pelerins commença à le suivre le petit pas, et les Grecs à se retirer, tant qu’ils vinrent à un palais appellé le Philopas. Pour dire le vray, jamais Dieu ne délivra personne de plus grand peril comme il fit les nostres en ce jour, n’y ayant eu aucun si asseuré ny si hardy qui n’eût esté bien aise de cette retraite. Les choses donc demeurérent en cét estat, et la bataille differée par la permission de Dieu. L’empereur Alexis rentra dans la ville, et les nostres dans leur camp, où ils se desarmérent lassez et fatiguez de cette journée, ayans d’ailleurs beaucoup souffert par la disette ; car effectivement ils mangérent et beurent peu, estans mal fournis de vivres.

94. Mais voicy un rencontre où nostre Seigneur