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[1201] de la conqueste

et les pelerins se devroient trouver à Venise, où l’on leur tiendroit les vaisseaux tous prests. Quand les lettres furent scellées, on les apporta au grand palais, où le grand conseil estoit assemblé avec le petit en la présence du Duc, lequel en les délivrant aux députez se mit à genoux pleurant abondamment, et jura sur les saints Evangiles, ensemble le conseil qui estoit de quarante-six, que de bonne foy ils entretiendroient de leur part tous les traitez y contenus. Les deputez firent pareil serment aux noms de leurs maistres, et promirent de leur part d’observer le tout de bonne foy. Il y eut là mainte larme épanduë de pitié, entremeslée de joye. Ce fait, ils depécherent de part et d’autre à Rome vers le pape Innocent, pour confirmer les traitez, ce qu’il fit tres-volontiers. Alors les François emprunterent de quelques particuliers de la ville de Venise deux mil marcs d’argent, qu’ils delivrerent au Duc par avance, et pour fournir à la premiere dépense des vaisseaux : et ensuite prirent congé pour retourner en leur pays. Estans arrivez à Plaisance, ville de Lombardie, ils se separérent les uns des autres : Geoffroy, mareschal de Champagne, et Alard Macquereau prenans le droit chemin de France, et les autres tirans vers Pise et vers Gennes, pour sçavoir quel secours ils voudroient donner pour cette entreprise.

18. Comme le mareschal passoit le Mont Cenis, il y rencontra Gautier, comte de Brienne[1], lequel s’acheminoit en la Poüille pour conquerir le pays qui appartenoit à sa femme, fille du roy Tancred, qu’il

  1. Gautier, comte de Brienne, étoit frère de Jean de Brienne qui devint depuis empereur de Constantinople.