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SUR VILLE-HARDOUIN

gares, qui ne tinrent pas devant lui, et se retirèrent dans leur pays. Il fit quelques courses sur leurs terres, et dans un moment de repos il eut une entrevue avec Montferrat, qui depuis long-temps désiroit concerter avec lui les moyens de rétablir l’ordre dans l’Empire. Les deux princes se virent dans la plaine de Cypsela : leur entretien fut plein de cordialité ; Montferrat, après avoir fait hommage de son royaume, s’informa de la jeune Impératrice, et apprit avec joie qu’elle étoit enceinte. Ville-Hardouin, également cher à l’Empereur et au roi de Thessalonique, auxquels il avoit rendu les plus grands services, reçut du dernier la ville et le territoire de Messynople, et devint son homme lige, sans renoncer cependant à continuer de servir Henri comme maréchal de Romanie.

Cette entrevue, qui avoit rempli de joie les Français et les Italiens, fut suivie de la catastrophe la plus affreuse. Montferrat, d’après les conseils de quelques Grecs qui le trahissoient peut-être, fit une course vers le mont Rhodope, à une journée de Messynople. Dans les défilés de ce pays, il fut tout à coup enveloppé par les Bulgares, et périt après avoir vu massacrer tous ceux qui l’entouroient. Sa tête fut portée à Jean : ce roi barbare se glorifia ainsi d’avoir causé la perte des deux princes croisés qui s’étoient partagé l’Empire grec. Montferrat laissoit des enfans de son premier mariage, et il avoit eu de Marguerite de Hongrie un fils appelé Démétrius, qui devoit succéder au trône de Thessalonique. Ce prince étant encore dans l’enfance, sa tutelle fut confiée au comte de Blandras, seigneur italien, et la Reine fut déclarée régente.

Jean profita de la terreur que répandit dans ce