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AVANT L’ISLAMISME.

« Nous vîmes mets nombreux, servis en libre espace, un grand festin ; et puis se ruèrent sur nous les oiseaux de proie, les loups et les tigres.
« À toi ! va fondre sur cette tribu, que rien, ni Dieu, ni eux-mêmes ne sauraient protéger et défendre. »

Le Tobba accueillit la proposition et promit victoire. Il réunit son armée ; il partit, prenant sa route du côté de Djaû où étaient les châteaux forts des Djadîcides. Lorsqu’on fut à trois jours de distance, Ryâh dit au Tobba : « Prince, j’ai une sœur qui est mariée parmi les Djadîcides ; elle se nomme Zarkâ el-Yamâmah (ou le bleuet de l’Yamâmah), parce qu’elle a les yeux bleus. Son regard perçant distingue un homme à une distance d’un jour et d’une nuit de chemin. Je crains qu’elle ne nous aperçoive et qu’elle ne mette nos ennemis sur leurs gardes. Ordonne à tes soldats de se munir de grandes branches d’arbres et de n’avancer que cachés par le feuillage de ces branches qu’ils tiendront devant eux afin de donner le change à Zarkâ. » On se remit en marche à la nuit. Et le Tobba demanda à Ryâh : « Est-ce que ta sœur voit aussi pendant la nuit ? regard — Oui, certes ! et même son est peut-être plus perçant encore que pendant le jour. » Le roi ordonna à ses soldats de suivre le conseil de Ryâh.

On approcha de l’Yamamâh dans la nuit. Zarkâ plongea le regard dans l’espace et s’écria : « Enfants des Djadis, voici des arbres qui s’avancent de notre côté et derrière eux marchent les premiers escadrons des Himiarides.) On ne la crut pas : à Je vois, ajouta-t-elle, un soldat cousant une sandale. » On se moqua de la voyante. Alors elle improvisa ces deux vers :

« À vous ! à vous ! garde à vous ! hommes des Djadis, il y va de votre salut ; allez ! ce que je vois, il ne le faut pas dédaigner.

« Oui, je vois des arbres et derrière eux des hommes ;