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FEMMES ARABES

moi on agitait force lait ; il y avait beurre et jouissance. Abou-Zar rencontra une femme qui avait deux jeunes fils ; c’était en vérité l’image de deux louveteaux gras et robustes qui, attachés et comme suspendus à la taille de leur mère, jouaient avec ses deux seins roulants comme deux grenades. Abou-Zar épousa cette femme il s’en était épris. Elle le pressa de continuelles instances, le harcela bel et bien afin qu’il me répudiât. Eh ! tout changement est borgne (changer c’est n’y voir tout au plus que d’un œil). Moi aussi je me remariai ; mon nouveau mari était un homme de naissance ; il avait de nombreux chevaux à monter, de nombreuses lances khatyennes[1] ; chaque soir on ramenait au logis des troupeaux superbes ; mon mari me laissait en cadeau une paire de chaque espèce de bétail et me disait : « Mange bien, ma chère Oumm-Zar ; sois heureuse, contente ; donne à toute la famille ; nourris-les tous. » Eh bien ! si j’avais conservé tout ce qu’il m’a ainsi prodigué, cela ne remplirait pas la plus petite marmite de la cuisine d’Abou-Zar. »

Aïchah, lorsqu’elle eut raconté cette causerie, reprit : « Le saint Prophète de Dieu m’a dit un jour : « J’ai toujours été Aïchah, comme Abou-Zar pour Oumm-Zar pour toi, chère seulement il l’a répudiée, mais moi je ne te répudierai jamais. — Prophète du ciel, répondis-je, tu m’es plus cher que le sang de mon père et de ma mère. Oh ! tu es bien meilleur pour moi que ne le fût jamais Abou-Zar pour Oumm-Zap. »

  1. Lances dont les hampes étaient d’un bois rapporté de l’Inde et débarqué à Khat sur le rivage de l’Omân, dans l’Yémen. Un Arabe appelé Samhar avec sa femme Roudaïnah s’acquirent une réputation par la manière dont ils dressaient les hampes de lances ; de là les noms de lances samhariennes, les mêmes que les khatyennes.