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AVANT L’ISLAMISME

déesse de la poésie, étaient poètes d’âme et d’émotions. C’est une femme tendre, un cœur ardent et pur, Ste-Thérèse, qui a dit : « Les malheureux ! ils ne savent pas aimer ! »

Dans l’antique Arabie aussi, la femme était l’idole adorée, était le foyer où s’échauffaient et rayonnaient les pensées de l’homme. Partout la lionne fait jouer ou rugir le lion, la colombe fait soupirer la colombe.

Et nombre de ces vers de la gentilité ont traversé les années dans la mémoire des Arabes. Ce n’est qu’à la veille de l’Islamisme et comme si on eut prévu que de nouvelles préoccupations allaient emporter ailleurs les esprits et éteindre la primitive poésie pour lui substituer la poésie de la religion nouvelle, que l’on s’avisa d’écrire les monuments poétiques de l’antiquité ignorante qui allait finir pour laisser la place à la lumière religieuse qui allait se lever. L’Islamisme parut ; et Mahomet qui n’a jamais su scander un vers, donna la magnifique poésie de son Koran.

À ce moment, tout ce qu’il y avait de poètes existants perdit la parole. Un nouveau monde surgissait qui abasourdit la gentilité. Lébîd, le célèbre auteur d’un des sept poèmes dorés, ne sut plus trouver un hémistiche après l’inauguration de l’Islamisme. Toutefois, Mahomet, prophète, fut assailli et happé par la satire des poètes gentils, des rimeurs non convertis ; il vit qu’il lui fallait aussi ses poètes à lui ; il les eut. L’instant de halte qu’apporta l’Islamisme à l’admiration, ou a l’étude, ou aux récitations des poésies transmises par la gentilité arabe, ne se prolongea pas longtemps. Les beaux vers, nous le savons tous, ont une puissance incalculable ; les belles cadences qui revêtent de belles pensées sont des êtres qui méprisent la dent rongeante des années. Les femmes elles-mêmes adoraient ces vieilles poésies d’un autre monde, des époques antéislamiques. Ainsi, dans les premiers temps de l’Islâm, on lut un jour devant Aïchah, fille de Talhah, et