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NÊNE.

sans cause, une joie vaste et pourtant fragile. À dix-huit ans, le matin des assemblées de jeunesse, elle était ainsi, légère comme un passereau.

— Ah ! folle que je suis ! pauvre abeille mouillée ! hirondelle de la Toussaint !


« M’est avis que je vole !


Les petits se suspendaient à son cou, criant, poussant, tapant, avec des rires, de grands efforts gauches. Elle se laissa choir, livra sa tête ; et, tout un moment, elle joua avec eux, étourdie de tendresse.

— Madeleine ! viens voir ! hé ! Madeleine !

Lalie qui se lassait vite du même plaisir se tenait près du barrage, sur le bord de l’étang. Elle avait commencé par lancer des pierres dans l’eau ; maintenant, n’en trouvant plus, elle jetait des baies de douce-amère.

— Madeleine ! des poissons !

Madeleine s’approcha avec le petit. L’eau, qui de loin semblait noire, était au contraire d’une transparence admirable. Quand une graine tombait, les poissons sortaient des profondeurs. C’étaient de petits gardons d’une vivacité extrême ; et l’on distinguait très bien les yeux jaunes, la bouche ronde, les nageoires roses étendues comme une dentelle. Ils happaient si vite les graines qu’on ne les voyait pas disparaître.

— Ham ! ham ! encore une… les petits gourmands !

— Lalie ne te penche pas tant… viens Lalie !