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NÊNE.

— À l’abri, mes petits, à l’abri !

Mais elle fonçait tout droit et trop vite. Les poulets, avec des piaulements d’effroi, se dispersaient autour du pailler ; les poules mères, les plumes gonflées se mettaient en colère ; Madeleine aussi… et l’ondée venait.

Alors Lalie paraissait sur le seuil :

— Jo pleure !

Madeleine n’entendait pas.

— Jo crie !… Voilà !… Lalie l’a pas battu !

Madeleine pensait :

— Toi, attends !…

et elle disait :

— Laisse-le crier, cela lui fera une belle voix.

La petite rentrait, puis, tout de suite, recommençait.

— Jo pleure… Jo a une épingle dans le ventre.

Madeleine revenait vite, abandonnant ses poulets. Elle savait bien que Jo n’avait pas d’épingle dans le ventre, mais cette parole, souvent répétée, la secouait toute.

C’est qu’un soir, en changeant le bébé, comme elle se hâtait avec ses gros doigts malhabiles, elle l’avait piqué ; pas très profondément, mais assez pour faire sortir une goutte de sang. L’enfant avait jeté un cri brusque, bien différent de ses cris de colère. Et Madeleine s’était dressée, haletante, déchirée vraiment au plus profond d’elle-même. Une heure durant elle avait bercé le petit sur sa poitrine ; il lui eût été doux de souffrir, de se mortifier en pénitence. La nuit venue, elle avait pris l’enfant avec