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pie se détachait nettement, raide et sérieuse comme un beau gendarme.

Au-dessus de la brume la lumière régnait, merveilleusement blonde. Le versoir supérieur de la brabant resplendissait et le coutre, dressé dans le soleil, semblait une épée massive, l’épée d’un cavalier nain, trapu et lent.

Ils étaient deux hommes à travailler là. Le plus jeune, un gars de 17 ou 18 ans, aux membres encore mal jointés et aux mains énormes, épandait du fumier ; il chantait ; sa voix douteuse d’adolescent détonait par éclats lourds qui s’envolaient quand même, tant l’air était sonore.

L’autre qui labourait ne chantait pas ; mais comme son compagnon il sentait la joie de l’heure. Il venait de se reposer tout un dimanche et, en ce commencement de semaine, l’outil lui paraissait léger. Il était de taille haute et droite avec une tête fine et des jambes un peu longues. Son chapeau rond, posé très en arrière, laissait à découvert sa face brune, maigre, complètement rasée ; ses yeux noirs jouaient avec agilité.

Il conduisait ses bêtes par gestes mesurés, sans cris. Il avait pourtant deux bovillons au dressage, mais il les avait placés au milieu de l’attelage et tout de suite enlevés en un si rude effort qu’il les tenait maintenant sans peine, éreintés et craintifs. Même au bout de la raize, les bovillons suivaient docilement les bœufs de tête ; le laboureur n’avait qu’à soulever sa charrue et à la retourner