Page:Pergaud - La Guerre des boutons, 1912.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
la guerre des boutons


regagner également leurs domiciles respectifs ; mais Gambette, en montant la côte, et les Gibus, la dernière bicoque dépassée, s’arrêtèrent court.

De toutes les maisons du village, des cris, des hurlements, des vociférations, des râles, mêlés à des coups de pieds claquant, à des coups de poings sonnant, à des tonnerres de chaises et de meubles s’écroulant, se mariaient à des jappements épouvantés de chiens se sauvant, de chats faisant claquer les chatières pour le plus effroyable charivari qu’oreille humaine pût rêver.

On eût dit que partout à la fois on s’égorgeait.

Gambette, le cœur serré, immobile, écoutait.

C’étaient… oui, c’étaient bien les voix de ses amis : c’étaient les rugissements de Lebrac, les cris de putois de La Crique, les meuglements de Camus, les hurlements de Tintin, les piaillements de Boulot, les pleurs des autres et leurs grincements de dents : on les battait, on les rossait, on les étrillait, on les assommait !

Qu’est-ce que ça pouvait bien signifier ?

Et il revint par derrière, à travers les vergers, n’osant repasser devant chez Léon, le buraliste, où quelques célibataires endurcis, fumant leur bouffarde, jugeaient des coups d’après les cris et discutaient avec ironie sur la vigueur comparée des poignes paternelles.

Il aperçut les deux Gibus, arrêtés, aux aussi,