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la guerre des boutons


cent sous ; as-tu un écu de cinq livres à nous rendre ?

La question était de pure forme et Lebrac ne l’ignorait pas. Qui est-ce qui avait jamais eu cent sous à soi, cent sous ignorés des parents et sur lesquels ces derniers ne pussent avoir à toute heure droit de haute main ?

Personne !

— J’ai trois sous, gémit Bacaillé.

— Fous-toi-les « quéque » part tes trois sous ! rugit Gambette.

— Messieurs, reprit Lebrac, solennel, voici un traître et nous allons le juger et l’exécuter sans rémission.

— Sans haine et sans crainte, redressa La Crique, qui se remémorait des lambeaux de phrases d’instruction civique.

— Il a avoué qu’il était coupable, mais il a avoué parce qu’il ne pouvait pas faire autrement et que nous connaissions son crime. Quel supplice doit-on lui faire subir ?

— Le saigner ! rugirent dix voix.

— Le pendre ! beuglèrent dix autres.

— Le châtrer ! grondèrent quelques-unes.

— Lui couper la langue !

— On va d’abord, interrompit le chef, plus prudent et gardant inconsciemment, malgré sa colère, une plus saine idée des choses et des conséquences