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la guerre des boutons


et les gens aussi crevaient comme des mouches.

« La Murie venait surtout quand il faisait chaud.

« Voilà : on était bien, on riait, on mangeait, on buvait, et puis, sans savoir pourquoi ni comment, une ou deux heures après, on devenait tout noir, on vomissait du sang pourri et on claquait. Rien à faire et rien à dire. Personne n’arrêtait la Murie, les malades étaient fichus. On avait beau jeter de l’eau bénite, dire toutes sortes de prières, faire venir le curé pour marmonner ses oremus, invoquer tous les saints du Paradis, la Vierge, Jésus-Christ, le père Bon Dieu, c’était comme si on avait pissé dans un violon ou puisé de l’eau avec une écumoire, tout crevait quand même et le pays était ruiné et les gens étaient foutus.

« Aussi, quand une bête venait à périr, vous pouvez croire qu’on l’encrottait vivement.

« C’est la Murie qui a amené la guerre entre les Velrans et les Longevernes. »

Le conteur ici fit une pause, savourant son préambule, jouissant de l’attention éveillée, puis il tira quelques bouffées de son cigare de clématite et reprit, les yeux des camarades dardés sur lui :

— Savoir au juste comment que c’est arrivé, c’est pas possible, on n’a pas assez de renseignements. On croit pourtant que des espèces de maquignons, peut-être bien des voleurs, étaient venus