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la guerre des boutons


griffait, on s’assommait, on se mordait, on arrachait des cheveux ; des manches de blouses et de chemises volaient au bout des doigts crispés, et les coffres des poitrines, heurtées de coups de poing, sonnaient comme des tambours, les nez saignaient, les yeux pleuraient.

C’était sourd et haletant, on n’entendait que des grognements, des hurlements, des cris rauques, inarticulés : han ! ahi ! ran ! pan ! rah ! crac ! ahan ! charogne ! mêlés de plaintes étouffées : euh ! oille ! ah ! et cela se mêlait effroyablement.

C’était un immense torchis hurlant de croupes et de têtes, hérissé de bras et de jambes qui se nouaient et se dénouaient. Et tout ce bloc se roulait et se déroulait et se massait et s’étalait pour recommencer encore.

La victoire serait aux plus forts et aux plus brutaux. Elle devait sourire encore à Lebrac et à son armée.

Les plus atteints partirent individuellement. Boulot, le nez écrasé par un anonyme coup de sabot, regagna le Gros Buisson en s’épongeant comme il pouvait ; mais du côté des Velrans c’était la débandade : Tatti, Pissefroid, Lataupe, Bousbot et sept ou huit autres filaient à cloche-pied ou le bras en écharpe ou la gueule en compote et d’autres encore les suivirent et encore quelques-uns, de sorte que les valides, se voyant petit à petit abandonnés