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la guerre des boutons


dit ce matin. Y a pas moyen qu’on paye. Alors on est des galeux ! C’est pas une république, ça, na, et je ne peux pas me soumettre à la décision.

– Nous non plus, firent les neuf autres…

– J’ai dit qu’on arrangerait ça, tonna le général, et on l’arrangera, na ! ou bien je ne suis plus Lebrac, ni chef, ni rien, nom de Dieu !

Écoutez-moi, tas d’andouilles, puisque vous ne savez pas vous dégrouiller tout seuls.

Croyez-vous qu’on m’en donne, à moi, des ronds et que le vieux ne me les chipe pas, lui aussi, quand mon parrain ou ma marraine ou n’importe qui vient boire un litre à la maison et me glisse un petit ou un gros sou ? Ah ouiche ! Si j’ai pas le temps de me trotter assez tôt et dire que j’ai acheté des billes ou du chocolat avec le sou qu’on m’a donné, on a bientôt fait de me le raser. Et quand je dis que j’ai acheté des billes, on me les fait montrer, passe que si c’était pas vrai on me le ferait « renaquer » le sou, et quand on les a vues, pan ! une paire de gifles pour m’apprendre à dépenser mal à propos des sous qu’on a tant de maux de gagner ; quand je dis que j’ai acheté des bonbons, j’ai pas besoin de les montrer, on me fout la torgnole avant, en disant que je suis un dépensier, un gourmand, un goulu, un goinfre et je ne sais quoi encore.

Voilà ! eh ben, il faut savoir se débrouiller dans