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la guerre des boutons


– Écoute donc ! C’est pas tous les jours qu’on est fait prisonnier et puis nous en rechiperons des p’tits Migue la Lune et alors…

– Alors ?

– Alors nous les garderons, leurs boutons, leurs agrafes, leurs bretelles, aux peigne-culs de Velrans ; au lieu de couper les cordons, on les mettra de côté pour avoir une petite réserve.

– Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir pris, interrompit La Crique, qui, bien que jeune, avait déjà des lettres. Si nous voulons être sûrs d’avoir des boutons, et nous pouvons en avoir besoin d’un jour à l’autre, le meilleur est d’en acheter.

– T’as des ronds ? ironisa Boulot.

– J’en ai sept dans une tirelire en forme de « guernouille », mais il n’y a pas à compter dessus, la guernouille les dégobillera pas de sitôt ; ma mère sait « combien qu’il y en a », elle garde le fourbi dans le buffet. Elle dit qu’elle veut m’acheter un chapeau à Pâques… ou à la Trinité, et si j’en faisais couler un je recevrais une belle dinguée.

– C’est toujours comme ça, bon Dieu ! ragea Tintin. Quand on nous donne des sous, c’est jamais pour nous ! Faut absolument que les vieux posent le grappin dessus. Ils disent qu’ils font de grands sacrifices pour nous élever, qu’ils en ont bien