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dans une direction quelconque ni ne se resserre en elle-même; quand elle ne se tord pas et ne s’affaisse pas, mais quand en elle brille le feu qui lui permet de voir la vérité partout et en elle-même.

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Quelqu’un me méprisera ? C’est son affaire. Mais moi, je prendrai garde à ne rien faire et à ne rien dire qui mérite le mépris. Quelqu’un me haïra ? C’est son affaire. Mais moi je resterai bienveillant et dévoué pour tout homme, même pour celui-là, prêt à lui indiquer son erreur, sans lui faire de reproches, sans lui faire sentir que je m’efforce de le supporter, mais sincèrement, loyalement, comme en usait le grand Phocion, à moins qu’il ne fît semblant. Tel doit être l’intérieur de notre âme ; il faut que les Dieux n’y voient aucune disposition à s’indigner et à se plaindre. Car quel mal souffres-tu si tu fais maintenant ce qui est conforme à ta nature propre, et si tu reçois ce qui convient en ce moment à la nature universelle, ô homme, qui que tu sois, mis à ce poste pour servir l’intérêt de l’univers ?

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Ils se méprisent, et ils se flattent les uns les autres; ils veulent se supplanter, et ils se font mutuellement des courbettes.

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Comme il faut être corrompu et hypocrite pour dire : « J’ai


1. [ Var : « quand elle ne se disperse pas. » — Dans un cas, M. Couat a lu aneipÎTai, dans l’autre onei’priTai. Le second de ces mots, dont il a dû torturer le sens, est la leçon des manuscrits. Le premier est une correction de Coraï. Je la considère comme suffisante et ne me demande pas, après M. Rendall (Journ. of Phil., XXIII, p. 157), si le composé auïneipàTai ne vaudrait pas beaucoup mieux.1

2. [Cf. supra V, 25.]

3. [Ce n’est pas, sans doute, pour contester la sincérité de Phocion que MarcAurèle a ajouté ici les mots eï ye |it| nposenoisÏTO; pas plus qu’il n’avait voulu (supra VII, 66) faire tort à la mémoire de Socrate, en lui opposant Télaugès. Ce qu’il met en doute, ici et plus haut, c’est la légitimité d’une induction qui déterminerait d’après quelques actes la valeur d’une âme. On « n’entre vraiment dans l’âme du voisin », comme Marc-Aurèlo a souvent conseillé de le faire, que si l’on vit auprès de lui et si l’on est témoin de ses actions les moins éclatantes et confident de ses pensées les plus secrètes. Il ne faut pas surtout qu’une vingtaine de traits qu’on cite à la gloire des sages, d’un Phocion, d’un Socrate, nous fassent méconnaître le mérite d’une vie modeste, toute de sincérité et de bonté.]

li. [Couat : « né pour subir tout ce qui est utile à l’univers. » — J’ai considéré ôtou St| comme un masculin.]