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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

21

Retourne le corps[1] et vois ce que font de lui la vieillesse, la maladie, les plaies[2].

Celui qui loue et celui qui est loué ; le panégyriste et l’objet du panégyrique ont une vie également courte. Et, en outre, même dans un coin de cette contrée où ils se trouvent, tous les hommes ne sont pas d’accord entre eux ; chacun n’est même pas d’accord avec soi-même. Et la terre tout entière n’est elle-même qu’un point[3].

22

Fais attention à l’objet de ta représentation, à ton jugement, à ton action, au sens de tes paroles[4].

22 bis

C’est justement que tu te trouves dans cet état ; mais tu aimes mieux devenir un homme de bien demain que de l’être aujourd’hui[5].

  1. [Ce mot a dû être ajouté pour la clarté de la traduction. Marc-Aurèle avait écrit simplement : « Retourne-le. »]
  2. [Couat : « la débauche, » — et, en note :

    « J’ai maintenu le texte des manuscrits πορνεῦσαν, tout en reconnaissant qu’il est fort douteux. Marc-Aurèle dit que le corps de l’homme se dégrade vite par l’effet seul de la vie ; l’idée de la débauche intervient ici d’une manière inattendue et même déplacée. » — C’est la correction de M. Rendall, ἀποπυῆσαν, qui est traduite ci-dessus.]

  3. [Cf. supra IV, 3.]
  4. [Couat : « au sujet présent, ou à ton jugement, ou à ton action, ou au sens de tes paroles. » — Le sens de τὸ ὑποκείμενον nous est donné, entre autres passages, par la pensée VII, 29 : « Divise et partage tout objet (τὸ ὑποκείμενον) en principe efficient et matière. » C’en est, d’ailleurs, pour les Stoïciens l’acception la plus usuelle (supra VI, 14, 1re note). — Plus loin, me rappelant qu’à la pensée VII, 4, où reparaît le mot τὸ σημαινόμενον), Marc-Aurèle s’exhortait à faire attention « à ce qui se dit et à ce qui se fait », j’ai hésité à écrire : « cette » action, « ces » paroles, au lieu de : « ton » action, « tes » paroles. Mais il est probable que les deux pensées sont indépendantes ; et M. Couat, en écrivant : « ton » action, et « tes » paroles, a dû fidèlement interpréter le texte grec : le mot qui précède (δόγματι) ne peut, en effet, désigner qu’une opération de notre pensée, celle d’autrui nous étant fermée, ou ne nous étant connue que par les « actions » et les « paroles » qui la manifestent ; la suite naturelle du sens paraît donc appeler, après « ta » représentation et « ton » jugement, « tes » actions et « tes » paroles.

    On remarquera l’ordre de cette énumération, qui suffirait à fixer le sens des mots. Des représentations se tire le jugement qui (III, 16, dernières lignes de la note finale, à l’Appendice) règle la conduite de la vie, et qui est impliqué en tout ce que nous pouvons faire ou dire. Ce sont ici les représentations que Marc-Aurèle nomme d’abord, c’est par les actes et les paroles qu’il finit ; et ce n’est pas sans raison que, pour désigner l’opération intermédiaire, il choisit, des trois termes qui servaient aux logiciens de l’École (κρίσις, ὑποληψις et δόγμα), celui que, presque seul, on employait en morale. — Cf. infra VIII, 47, note 1.]

  5. On ne voit pas comment le second paragraphe de cette pensée se rattache au