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LIVRE IV


I

Le maître intérieur[1], quand il est tout ce que veut la nature, doit prendre les choses de la vie de telle sorte qu’il soit toujours prêt à se régler sans peine sur le possible et sur les circonstances données. Il se garde bien de s’attacher jamais à une matière, qui n’est qu’en sous ordre ; et il s’élance vers les choses supérieures, où même encore il fait son choix[2]. L’obstacle qu’il ren-

  1. Le maître intérieur. C’est la raison, et comme le dit si souvent Marc-Aurèle dans son langage stoïcien, le génie qui réside en nous, qui nous domine en nous conduisant.
  2. Où même encore il fait son choix. On peut comprendre ce passage en un autre sens, auquel se prêterait l’expression grecque, qui est un peu vague : « En s’élevant au-dessus de soi-même, en s’arrachant à tout. » La fin du § semblerait confirmer ce second sens. — Sénèque a dit : « Il faut régler notre vie comme si tout le monde la regardait, et nos pensées comme si l’on pouvait pénétrer le fond de notre cœur ; et on le peut aussi. Car que sert-il de se dérober à la connaissance des hommes, puisque Dieu connaît toutes choses, qu’il est présent dans notre âme, et qu’il se trouve au milieu de nos pensées ? » Épître LXXXIII, à Lucilius. Voir aussi plus haut, liv. III, § 4.