Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

soi son vrai nom et les noms de tous les éléments qui le constituent et dans lesquels il peut se décomposer. Rien, en effet, ne contribue autant à la grandeur d’âme que de pouvoir apprécier, chemin faisant et en toute vérité, chacun des événements de la vie, et de les si bien voir en eux-mêmes qu’on puisse discerner d’un coup d’œil à quel ordre de choses ils appartiennent, quel genre d’utilité ils peuvent offrir, quel rang ils occupent par rapport au reste du monde, et par rapport à l’homme, à ce citoyen de la cité suprême, dont les autres cités ne sont en quelque sorte que les maisons. Quel est donc cet objet qui se présente actuellement à mon esprit ? De quoi se compose-t-il ? Combien de temps doit-il naturellement durer ? Quelle vertu dois-je exercer à son occasion : douceur, courage, véracité, confiance, simplicité, indépendance ? Ainsi donc, il faut se dire à chaque événement : « Ceci vient de Dieu[1] ; c’est conforme à l’enchaînement des choses, à la combinaison qu’elles forment en s’entremêlant ; c’est

  1. Ceci vient de Dieu, fondement de l’optimisme et de la résignation du sage. Sénèque a dit : « Puisque le destin n’est que la succession des causes enchaînées l’une à l’autre, Dieu est la première de toutes les causes, d’où les autres découlent. » Des Bienfaits, liv. IV. ch. VII.