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LIVRE II, § XI.

aller à des actes reprochables, uniquement pour contenter le désir qu’il ressent.

XI

C’est en songeant toujours qu’à l’instant même tu peux fort bien sortir de la vie, qu’il faut régler chacune de tes actions et de tes pensées. Quitter la société des hommes n’a rien de bien effrayant[1], s’il y a des Dieux ; car certainement ils ne te jetteront pas dans le mal ; et s’il n’y a pas de Dieux, ou s’ils ne s’occupent point des choses humaines, quel intérêt ai-je à vivre dans un monde qui est vide de Dieu, c’est-à-dire vide de Providence ? Mais certes il y a des Dieux, qui prennent à cœur les choses d’ici-bas. Grâce à eux, il ne dépend absolument que de l’homme de ne pas tomber dans les véritables maux. Et, si en dehors de ces maux véritables, il se rencontre encore quelque mal, la Providence divine a également voulu que nous pussions toujours

  1. N’a rien de bien effrayant. C’est la pensée de Socrate dans l’Apologie et dans le Phédon, pp. 117 et suiv., et pp. 314 et suiv. de la traduction de M. V. Cousin. Voir aussi plus loin, liv. III, § 3. Si la mort est lui sommeil éternel et un anéantissement, elle n’est rien. Si l’âme est immortelle, elle trouve des