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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.
XXXII
Quelle infime parcelle chacun des êtres n’ont-ils pas reçue dans la durée du temps insondable et infini[1] ! En un instant, ils disparaissent engloutis dans l’éternité. Quelle parcelle infime de la substance totale ! Quelle parcelle infime de l’âme universelle ! Quelle misérable portion du globe entier n’est pas la motte de terre[2] où tu es condamné à ramper ! En pesant tout cela dans ton cœur, comprends qu’il n’est au monde rien de grand, si ce n’est d’agir comme le veut ta nature particulière et d’accepter[3] ce que produit la commune nature.
- ↑ La durée du temps insondable et infini. Personne n’a parlé en termes plus nets et plus grands de la petitesse de l’homme placé entre les deux abîmes du temps : le passé et l’avenir. Depuis Marc-Aurèle, Pascal seul a retrouvé ces accents solennels, que Bossuet lui-même n’a point dépassés. Voir plus haut, liv. IX, § 4, et liv. V, §§ 23 et 24, et les notes.
- ↑ La motte de terre. Ce que dit Marc-Aurèle d’un coin de la terre, relativement à la terre entière, est encore bien plus vrai de la terre par rapport à l’univers. Chaque jour l’astronomie nous en apprend beaucoup à cet égard ; mais le sentiment que nous inspirent ses découvertes ne peut pas être plus profond que celui de Marc-Aurèle.
- ↑ D’agir… d’accepter. Voir le développement de ces fortes pensées plus haut, liv. III, § 4, et liv. V, § 8.