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LIVRE XII, § I.

dises toujours le vrai, en toute liberté et sans réticence, pour que tu agisses conformément à la loi et dans la mesure de chaque chose, pour que tu ne sois jamais arrêté par la perversité des autres hommes, ni par leurs opinions, ni par leurs paroles, pour que tu ne cèdes pas à tes sens, ni aux suggestions de cette chair qui n’est que ton enveloppe matérielle, et dont ce qui en souffre a seul à s’inquiéter[1].

Si donc, à quelque moment qu’il te faille sortir de la carrière, tu es prêt à tout abandonner, uniquement occupé de l’âme[2] qui te gouverne et de la partie divine de ton être[3] ; si tu ne crains jamais de cesser de vivre, mais seulement de ne pas vivre comme le veut la nature ; alors, tu deviendras un homme digne du monde qui t’a produit[4] ; tu cesseras d’être un étranger dans ta pa-

    tu dises toujours le vrai. C’est un des préceptes principaux de la sagesse pratique ; et l’amour imperturbable de la vérité est une des premières conditions de la vertu, qui doit avoir en horreur tout mensonge et toute fausseté.

  1. Et dont ce qui en souffre a seul à s’inquiéter. L’âme doit opposer une patience invincible aux maux du corps, mais ne pas s’en troubler. Voir plus haut la même pensée, liv. VIII, § 40, et liv. VI, § 32.
  2. Uniquement occupé de l’âme. Marc-Aurèle a pratiqué, au moment de la mort, ce qu’il se recommande ici à lui-même et ce qu’il nous conseille.
  3. De la partie divine de ton être. Voir plus haut, liv. V, § 21 et passim.
  4. Du monde qui t’a produit. C’est-à-dire, de Dieu, qui t’a donné l’être et qui régit l’univers entier.