Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
421
LIVRE XI, § XIX.

ce sont elles qui témoignent de la force, de la vigueur et du courage, et que ce ne sont pas du tout la colère et la mauvaise humeur ; car, plus l’attitude se rapproche de l’impassibilité, plus elle se rapproche aussi de la force. Si la douleur est un signe de faiblesse, la colère en est un signe non moins certain. Dans les deux cas, on est blessé[1] et l’on se rend à l’ennemi.

Si tu le veux bien, reçois, de la main du chef des Muses[2], un dixième présent que voici : C’est que prétendre empêcher le mal que font les méchants est une folie, car c’est désirer l’impossible[3]. Mais leur concéder de faire du mal aux autres, et prétendre qu’ils ne vous en feront pas à vous-même, c’est un acte déraisonnable qui ne va qu’à un tyran.

XIX

Voici quatre erreurs de ton guide, de ta raison, contre lesquelles tu dois surtout te prémunir par

    fonde et très-exacte. Il faut une bien grande force pour se dompter soi-même et être sincèrement doux.

  1. On est blessé. Parce qu’on a succombé à un emportement aveugle, au lieu d’obéir à la raison.
  2. Du chef des Muses. Le texte dit précisément Musagète ; c’est le surnom d’Apollon, quand il réunit les Muses autour de lui.
  3. C’est désirer l’impossible. Voir plus haut la même pensée en termes presque identiques, liv. V, § 17.