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LIVRE XI, § XV.
XIV
Tout en se méprisant mutuellement[1], ils se font des politesses, et bien qu’ils veuillent l’un l’autre se supplanter, ils se confondent en bassesses réciproques.
XV
Quelle perversité et quelle hypocrisie[2] de dire : « J’ai pris la résolution d’en agir franchement avec vous ! » Homme, que fais-tu ? Supprime ce préambule ; ton intention se verra de reste. Avant même que tu aies parlé, ce que tu vas dire doit se lire sur ta figure[3]. Tu es dans cette disposition à son égard ; il le voit sur-le-champ dans tes yeux, comme, entre amants, celui qui est aimé connaît dans un coup d’œil toutes les pensées de
- ↑ Tout en se méprisant mutuellement. Il est assez probable qu’il s’agit ici des courtisans ; Marc-Aurèle les a déjà jugés avec la même justice et la même sévérité. Voir plus haut, liv. IV, § 32.
- ↑ Quelle perversité et quelle hypocrisie. C’est peut-être bien sévère. La forme de langage, blâmée par Marc-Aurèle, est mauvaise sans doute ; mais elle ne cache pas toujours une coupable fausseté. C’est que Marc-Aurèle avait vu trop souvent la valeur de ces belles protestations. Alceste aussi s’en indigne dans Molière, et contre des gens d’espèce assez semblable ; mais Marc-Aurèle n’est pas misanthrope.
- ↑ Doit se lire sur ta figure. C’est vrai, et les intéressés ne s’y trompent guère.