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LIVRE X, § XXXIV.

« Le vent les jette à terre[1] et pourtant la nature… »
.................
« Ainsi sont les humains.....»

Ce sont également des feuilles que tes enfants[2] ; ce sont aussi des feuilles légères que les clameurs enthousiastes qui chantaient tes louanges, ou, en sens contraire, ces malédictions, ces critiques, ces railleries dont on t’accablait. Ce sont des feuilles encore, et non moins légères celles-là, que ces voix qui propageront successivement ton souvenir dans la postérité. Oui, ce sont là autant de feuilles.

« ...........Et pourtant la nature,
« Chaque année, au printemps, ramène la verdure. »

Puis, le vent les a dispersées encore une fois, et la forêt en produit d’autres à leur place. Ainsi donc, cette durée éphémère est la condition commune de toutes choses. Et toi, tu prends toutes choses, soit que tu les fuies, soit que tu les recherches, comme si elles devaient être éternelles[3] !

    de l’homme, et mordent sur lui.

  1. Le vent les jette à terre. Iliade, chant VI, vers 147 et suivants.
  2. Des feuilles que tes enfants. C’est, sans doute, pour Marc-Aurèle un souvenir des enfants qu’il avait perdus. Cette image, si mélancolique et si naturelle, remonte donc jusqu’à Homère. Elle a été répétée mille fois, et elle le sera sans cesse.
  3. Comme si elles devaient être éternelles. C’est, en effet, sur les choses éternelles qu’il