Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
LIVRE X, § XXXIII.

ture, ou pour une âme qui n’est pas douée de raison[1], attendu qu’il peut y avoir une foule d’obstacles qui les empêchent et les arrêtent. Mais l’intelligence et la raison peuvent toujours se frayer leur route[2] à travers tous les obstacles, selon leur nature et dans la plénitude de leur volonté.

Si tu te mets bien devant les yeux cette facilité merveilleuse que possède la raison de passer au travers de tout, comme le feu monte en haut, comme la pierre descend en bas, comme l’objet rond roule sur un plan incliné, ne recherche dès lors rien de plus ; car tous ces obstacles, qui ne regardent que le corps et notre cadavre, et qui sont en dehors de notre volonté et du domaine de la raison même, n’ont pas le don de nous blesser ; ils ne nous font absolument aucun mal, puisque, dans ce cas, l’être qui en serait vraiment atteint, devrait périr[3] à l’instant même. Il est bien vrai que, dans les autres combinaisons de choses, quand il survient un mal quelconque, ce mal empire la condition de l’être qui

    C’est là pour l’homme une glorieuse exception ; il n’obéit qu’à la raison.

  1. Une âme qui n’est pas douée de raison. Celle des bêtes, par exemple.
  2. Se frayer leur route. Aux risques et périls du corps, qui peut d’ailleurs périr, s’il le faut, pour le