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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

consumé par le feu, après une période déterminée, ou à se renouveler par des changements éternels.

Même avec cette hypothèse[1], ne va pas t’imaginer que, dans ton être, cette partie solide et cette partie de souffle vital soient exactement encore aujourd’hui ce qu’elles étaient à l’époque de ta naissance[2]. Ton être actuel, dans sa totalité, a puisé ce qu’il est aux aliments que tu as pris et à l’air que tu as respiré, depuis deux ou trois jours peut-être. Ce qui change, c’est ce que ton corps avait récemment absorbé, et non pas ce qu’il avait reçu jadis du sein maternel[3]. Mais prends garde[4] de t’égarer en tenant trop de compte d’une organi-

    par le feu. C’est le système d’Héraclite. Voir plus haut, liv. III, § 3, et liv. V, §§ 13 et 34.

  1. Même avec cette hypothèse. La fin de ce paragraphe, quoique assez claire dans les mots, reste obscure dans la pensée. Les manuscrits ne fournissent pas de variantes qui puissent servir à élucider ce passage.
  2. À l’époque de ta naissance. Cette transformation perpétuelle de notre être est vraie ; mais ce qui n’est pas moins vrai, c’est la permanence de notre personnalité, subsistant identique malgré ce renouvellement incessant de notre corps.
  3. Et non pas ce qu’il avait reçu jadis du sein maternel. Il aurait fallu préciser davantage les choses, surtout ici, et indiquer ce qu’on entendait positivement par là. S’agit-il de l’âme, et de la partie spirituelle de l’être humain ? C’est probable ; mais il eût été bon de le dire.
  4. Mais prends garde… C’est surtout cette dernière idée qu’il est presque impossible de comprendre. Voir plus haut, liv. IX, §  19.